Le ministère de la Communication, des Télécommunications et du Numérique (MCTN) a lancé ce mercredi les Journées nationales de concertation du secteur de la communication ,avec comme orientation l’intégrité de l’information, la régulation, la gouvernance économique et le cyberespace. Pendant trois jours, acteurs institutionnels, professionnels des médias, plateformes numériques et société civile échangent sur l’avenir de l’écosystème médiatique au Sénégal.
La cérémonie d’ouverture a été introduite par l’historien Babacar Mbaye Ndaak, qui a lancé un appel fort en faveur d’un assainissement du contenu médiatique. « Nous voulons plus d’espace et de temps pour nos enfants dans les médias. Nous ne voulons plus d’une presse qui se nourrit de scandales », a-t-il déclaré.
La représentante de Meta, Balkissa Idé Siddo, est revenu sur les efforts déployés par Facebook dans l’accompagnement des entrepreneurs. Selon elle, plus de 18 000 petites et moyennes entreprises sont formées. Elle a souligné que Meta ne s’oppose pas à la régulation, mais plaide pour des mécanismes souples, capables de s’adapter à l’évolution technologique. « Tout outil peut être utilisé pour faire du bien ou pour faire du mal. Il faut que les régulations soient flexibles », a-t-elle expliqué.
Une presse en souffrance, un code dépassé
Pour Moustapha Cissé, secrétaire général du SYNPICS (Syndicat des Professionnels de l’Information et de la Communication du Sénégal), la presse sénégalaise souffre d’un manque criant d’accompagnement. « Depuis des années, notre presse s’essouffle, non pas par paresse, mais par manque d’accompagnement », a-t-il déploré, pointant l’« effritement du devoir d’informer ». Il considère que le Code de la presse actuel est obsolète et ne prend pas en compte les réalités du mérite. Il appelle à sa refondation intégrale, à la fin de l’asphyxie fiscale, ainsi qu’à la transformation du Fonds d’Aide à la Presse (FADP) en une structure indépendante, gérée de manière inclusive. « Ce que nous demandons, c’est un nouveau pacte entre l’État et la presse, entre la République et ses sentinelles. »
Maître Bamba Niang, membre de l’assemblée de l’OFNAC et principal artisan du Code de la presse sénégalais, est revenu sur l’historique du texte. Il a rappelé que les premières concertations remontent à 2004 et 2008, avant la rédaction d’un projet de code en 2010 sous Abdoulaye Wade, finalement rejeté par l’Assemblée nationale. Le texte ne sera adopté qu’en 2017, alors même que plusieurs de ses dispositions, notamment sur la presse en ligne, sont aujourd’hui dépassées. Il appelle, lui aussi, à une réforme en profondeur.
Face à l’émergence de nouveaux acteurs, une réforme s’impose
Le député Aliou Sène a souligné l’évolution rapide du paysage médiatique sénégalais, marqué par l’émergence de nouveaux acteurs comme les influenceurs, les chroniqueurs et l’intelligence artificielle. « Les textes sont obsolètes et il faudra réformer », a-t-il insisté, appelant à des textes capables de réguler cette nouvelle dynamique.
Le président du Haut Conseil du Dialogue Social (HCDS), Mamadou Lamine Dianté, a salué l’initiative du MCTN et exprimé l’espoir que ces journées déboucheront sur des actions concrètes. « Vous ne manquerez pas, à l’issue des trois jours de réflexion, de mieux diffuser le Code de la presse ou, si nécessaire, de le réformer. Réguler ne signifie point censurer », a-t-il souligné, appelant à un dialogue franc et constructif.
L’État promet une régulation modernisée et inclusive
Clôturant les interventions, Habibou Dia, directeur de la communication au ministère, a exposé la vision stratégique des autorités. « En tant qu’acteur et militant des droits humains, je suis pour la dépénalisation des délits de presse. Mais dépénalisation rime avec responsabilité individuelle et rigueur dans les salles de rédaction », a-t-il affirmé. Il a plaidé pour un régulateur fort et bien doté, capable d’assurer que les contenus diffusés sur les réseaux sociaux respectent les valeurs sociales et culturelles sénégalaises.
Il a également annoncé des mesures contre les médias non structurés, « sans directeur de publication ni rédacteur en chef », et insisté sur la nécessité d’intégrer le phénomène des influenceurs dans les nouveaux cadres réglementaires. Selon lui, les médias doivent cesser d’être « le prolongement des querelles politiques ». Le ministère compte mettre en place des mécanismes de soutien à l’entrepreneuriat médiatique, garantir les droits des travailleurs et instaurer une collaboration durable entre l’État, les plateformes et les professionnels de l’information. Un dispositif national de sensibilisation à la lutte contre la désinformation est également en cours d’élaboration.
Poursuite des concertations
À la suite des discours officiels, des panels ont été animés autour des nouvelles orientations de la régulation, de l’auto-régulation et de la responsabilité des acteurs, du cadre des conventions, de la publicité et de l’innovation, avec un exposé de Meta sur la régulation comme levier d’innovation.
Les travaux se poursuivront jeudi 19 et vendredi 20 juin, avec des thématiques fortes axées sur la sensibilisation, notamment l’éducation aux médias, l’acculturation numérique, la protection contre les dangers du cyberespace et les implications de l’intelligence artificielle dans la gouvernance de l’information.