Ils font la navette entre des villages reculés du Sénégal et Dakar au quotidien. Ce mode de transport, communément appelé Horaire, permet aux populations des zones mal desservies par les transports publics de rejoindre les grandes villes tous les jours. Même si certains véhicules utilisés sont loin des standards modernes, ils font le bonheur des usagers dans une ambiance très particulière.
Nous sommes à Mbafaye, dans le département de Mbour, région de Thiès. Il est 6 heures du matin lorsque nous quittons la maison pour trouver un moyen de rallier la capitale sénégalaise. Le sac sur le dos, les chaussures bien attachées, nous empruntons un sentier étroit entre les champs de mil, si denses qu’ils semblent défier la corpulence humaine. Difficile de voir l’horizon. L’atmosphère est encore teintée de la blancheur du brouillard.
Il ne nous a fallu que quelques pas pour sentir nos pieds s’imbiber des flaques d’eau sur le sentier. En septembre, même le sol dior, pourtant très sablonneux, ne résiste pas aux fortes précipitations. Mais ici, contrairement à certaines grandes villes, la nature en profite bien. Les champs d’arachides en fleur et les haricots qui s’étendent à perte de vue en témoignent.
À peine un demi-kilomètre de marche plus tard, nous arrivons à l’intersection où nous devons attendre le car. Dans ces villages, les femmes sont très matinales : le robinet à côté de là ou nous attendions le car, déjà assailli, en est la preuve.
– Mbaldo ! (bonjour en sérère), nous lance une dame d’une soixantaine d’années, elle aussi en attente du car.
– Mbédé diam, répondons-nous (pour dire « ça va aussi »).
Quelques minutes d’attente plus tard, le véhicule arrive. Il est à moitié plein. À l’intérieur, presque tout le monde se connaît. Les salutations familiales fusent de toutes parts.
En ce dimanche matin, certains passagers sont des travailleurs venus passer le week-end en famille, tandis que d’autres se rendent vers l’ouest du pays pour diverses raisons : rendez-vous médical, rencontre professionnelle ou simple visite.
Certes, les voyageurs viennent à peine de quitter les bras de Morphée, mais l’ambiance n’est pas pour autant silencieuse. Les discussions vont bon train, certains sont encore absorbés par leurs téléphones portables. On entend les sons des vidéos TikTok ou des statuts WhatsApp. Ici, la fracture numérique est une vieille histoire : tout le monde est connecté, souvent avec des smartphones dernier cri.
Mais avant de rejoindre la route principale, c’est le parcours du combattant. Le véhicule s’incline dans tous les sens. À l’intérieur, les passagers s’agrippent pour éviter de se heurter les uns aux autres. Le chemin, parsemé de trous, rend la circulation difficile.
Si ces moyens de transport sont si prisés pour les déplacements interurbains, c’est parce qu’il y a peu d’alternatives. Le coût reste abordable, et une grande proximité existe entre transporteurs et clients.
Le transport de marchandises est aussi plus facile qu’avec d’autres types de véhicules. Avec les « Horaires », certaines personnes peuvent même faire parvenir des colis ou du courrier à l’autre bout du pays sans se déplacer. Il suffit de donner les coordonnées du destinataire au chauffeur, parfois accompagnées d’un billet de banque, pour que tout arrive à bon port.
Même si l’État fait des efforts dans le domaine du transport, notamment avec des bus reliant les régions, force est de constater qu’il subsiste encore une fracture. Certaines routes sont impraticables, causant d’énormes dégâts aux véhicules et aux transporteurs. C’est un autre symbole des inégalités dans les politiques publiques. Tandis que Dakar voit émerger des infrastructures modernes comme le TER, les autoroutes ou encore le BRT, certaines zones doivent encore recourir à des modes de transport d’un autre temps.
Il faut cependant souligner que, même si ces « Horaires » n’offrent pas un confort optimal, ils continuent de faire le bonheur de milliers de Sénégalais, des quatre coins du pays, comme ici à Mbafaye.