Les autoponts de Dakar, conçus pour éviter les accidents et fluidifier le trafic dans une capitale en constante effervescence, se transforment chaque jour en marchés improvisés. A Patte d’oie, ce qui devait être un espace de détente pour les piétons est devenu un carrefour d’activités commerciales anarchiques. Téléphones portables, produits électroniques et cosmétiques…, les étals s’alignent sans ordre, obstruant les passages réservés aux piétons. Sous ces infrastructures routières, c’est une cacophonie incessante de Klaxons, de cris de vendeurs et de discussions animées.
Dès les premières lueurs du jour, le décor prend forme. Les marchands installent leurs étals de fortune, usant des piliers de l’autopont comme supports pour leurs marchandises. “Ici, le soleil ne brûle pas et la pluie ne mouille pas”, explique Idrissa, vendeur de téléphones portables. Pour lui et ses pairs , l’autopont est une aubaine. Un espace gratuit, accessible à tout moment, et surtout, fréquenté par un flux constant de potentiels clients.
A la tombée de la nuit, l’affluence ne diminue pas. Au contraire, l’endroit devient plus animé. Des lampes torches éclairent les étals, attirant les passants. Daouda, vendeur d’accessoires électroniques, raconte: “le soir, c’est le meilleur moment. Les gens rentrent du travail et cherchent à acheter avant de retourner chez eux”.
Cependant, cette occupation anarchique pose un sérieux problème de sécurité. Les piétons sont contraints de marcher sur la chaussée exposées aux dangers de la circulation. Les automobilistes quant à eux, peinent à se frayer un chemin dans ce chaos organisé.
Quand la mendicité s’y ajoute
Dans ce désordre, les mendiants trouvent aussi leur place. Postés aux intersections stratégiques , ils sollicitent les passants avec insistance. Mais derrière cette quête d’aumône se cache une réalité plus complexe. Certains mendiants n’hésitent pas à faire preuve de harcèlement déguisé. Enfants en bas âge dans les bras, voix implorante, ils suivent les passants, les poussant à céder par compassion ou par gêne. “On ne peut pas traverser cet endroit sans être sollicité plusieurs fois”, se plaigne une riveraine. “Parfois, ils s’accrochent à nos vêtements ou nous barrent le chemin. C’est devenu oppressant”, ajoute-t-elle.
Pire encore, des scènes troublantes se déroulent sous les yeux des passants. Des enfants, manifestement utilisés pour atteindre les âmes généreuses, sont formés à suivre les gens, à leur tirer la manche ou à tendre la main avec insistance. Une stratégie qui semble porter ses fruits, mais qui révèle une exploitation préoccupante de l’innocence enfantine.
L’impuissance des autorités locales
Malgré les interdictions et les arrêtés municipaux répétés, l’occupation illégale de ces espaces publics persiste. En effet, la mairie de Patte d’Oie a tenté à plusieurs reprises de déguerpir les vendeurs et mendiants, mais en vain. “Ils reviennent toujours, parfois le même jour du déguerpissement”, confie un agent municipal.
La population, quant à elle, semble résignée. Certains riverains évitent même de passer sous ces autoponts de peur d’être importunés. “On a dépensé des milliards pour ces autoponts, mais les gens préfèrent ne pas y mettre leurs pieds à cause de l’anarchie”, se lamente Jacques Sambou, habitant de ladite commune.
Cependant, derrière cette occupation anarchique, se dessine un problème de précarité économique. Pour de nombreux vendeurs ambulants et mendiants, occuper ces espaces publics est une question de survie. En effet, sans emploi stable, ni revenus fixes, ils investissent ces lieux de passage pour attirer une clientèle diversifiée. A cet effet, des solutions doivent être envisagées pour concilier les besoins économiques des uns et les droits, à la sécurité et à la tranquillité des autres.