L’histoire politique du Sénégal est en passe de vivre un tournant décisif avec la première déclaration de politique générale (DPG) d’Ousmane Sonko, Premier ministre sous l’ère du président Bassirou Diomaye Diakhar Faye. Ce moment, attendu avec impatience, intervient dans un contexte marqué par l’installation d’un nouveau régime qui se veut le symbole de la rupture et du redressement national, sous la bannière du concept engagé: « Jub, Jubbal et Jubanti » (Justice, Travail et Relèvement).
Depuis sa création en 2014, Pastef-les-Patriotes s’est construit sur une opposition ferme et constante au régime de Macky Sall. Sous la présidence d’Ousmane Sonko, le parti a dénoncé, sans relâche, des pratiques qu’il qualifiait de malversations dans la gestion des finances publiques, de spoliation foncière, et de gabegie étatique.
L’écho de leurs accusations sur les scandales à milliards et les failles systémiques des politiques publiques avait conquis une large frange de la population, fatiguée des promesses non tenues.
Cependant, la critique est une chose. La gestion de l’appareil étatique en est une autre. Avec l’alternance politique historique, l’heure de vérité a sonné pour Pastef et pour Sonko, qui doivent désormais transformer leurs idéaux en actions concrètes.
Pour rappel, nommé Premier ministre après la victoire éclatante du Président Diomaye qu’il
a parrainé, Ousmane Sonko s’est retrouvé confronté à une Assemblée nationale issue de la 14e législature, encore dominée par les alliés du régime sortant (BBY).
A cet effet, cette configuration politique a rendu impossible la tenue de la DPG dans les premiers mois de son mandat, un échec symptomatique des défis posés par une cohabitation houleuse.
Face à cette impasse institutionnelle, le président Bassirou Diomaye Fall a décidé de dissoudre l’Assemblée nationale. Ce coup de maître a permis au régime de convoquer de nouvelles élections législatives, offrant à Pastef une majorité écrasante de 130 députés. Cette nouvelle configuration place le Premier ministre dans une position favorable pour dérouler sa vision devant des élus majoritairement acquis à sa cause, mais critiques et exigeants.
Cependant, l’enjeu de cette DPG dépasse de loin les murs de l’Assemblée nationale. Les Sénégalais, épuisés par des années de crises économiques, sociales et politiques, nourrissent des attentes démesurées envers ce régime qui promettait la rupture. Les aspirations sont nombreuses : lutte contre la corruption, relance économique, justice sociale, réforme de l’éducation et de la santé, et surtout, restauration de la confiance entre les citoyens et l’État.
Ousmane Sonko devra démontrer que les critiques qu’il portait hier se traduisent aujourd’hui par des solutions. Il est attendu sur des réponses précises, un calendrier d’actions clair et des mesures audacieuses basés sur le référentiel Sénégal 2050, pour sortir le pays du marasme.
Toute imprécision ou incohérence dans son discours serait perçue comme un aveu d’impréparation ou d’incapacité et pourrait ternir l’image de Pastef en tant que parti de la différence.
En ce sens, il est important de pré que cette déclaration ne sera pas un simple monologue. Bien que la majorité parlementaire soit acquise à Pastef, le parti a promis une rupture avec les pratiques des Assemblées précédentes, souvent réduites à des débats stériles. Les députés, même issus du parti, à l’image de Guy Marius Sagna, Cheikh Thioro Mbacké et entre autres, se veulent porteurs d’un débat d’idées, un engagement à scruter, interroger et enrichir les propositions du gouvernement.
Si toutefois cette promesse se concrétise, le Sénégal pourrait enfin voir émerger une démocratie parlementaire vivante, où la majorité n’est pas mécanique mais constructive.
Somme toute, cette DPG sera, sans aucun doute, un test décisif pour Ousmane Sonko. Après des années à fustiger les manquements des régimes passés, il doit prouver qu’il est capable d’incarner le changement qu’il prônait. Le pays tout entier observe, prêt à juger si ce nouveau régime est à la hauteur des espoirs placés en lui. Le peuple sénégalais, désespéré mais toujours avide d’espoir, ne tolérera rien de moins qu’un changement palpable.