Au Sénégal, malgré la popularité croissante des capsules, dosettes et sticks de café instantané, le traditionnel « café touba » reste indémodable. Ce café tire son nom de la ville sainte de la confrérie mouride, Touba, mais il est désormais consommé à travers tout le pays. Sa particularité réside dans l’ajout de poivre de Guinée appelé communément « Diar », avant d’être préparé de manière similaire à un café filtre.
Chaque matin, Bachir ouvre sa cantine à Sacré Cœur 3 sur la VDN, et entame son rituel quotidien. Il place son bouilloire à gaz et fait chauffer le café noirâtre. Une fois bien chaud, il le transvase rapidement dans de grandes bouteilles Thermos, prêtes à accueillir les premiers amateurs de café Touba.
Le contenu de ces Thermos, préparé avec dix litres d’eau, deux kilos de café, un demi-kilo de poivre de Guinée moulu et du sucre à volonté, est vendu tout au long de la journée, tasse après tasse, dans des gobelets en plastique.
La consommation de café Touba connaît un véritable essor. Bachir est l’un des nombreux vendeurs à avoir investi, répondant ainsi à une demande croissante. En effet, il a aménagé son espace avec l’effigie de grandes figures mouride, des bancs pouvant accueillir une dizaine de clients et une parfaite animation.
Ainsi, avec un bénéfice net de 6000 à 8000 francs CFA par jour, cette activité représente un revenu précieux dans un pays où les besoins quotidiens sont nombreux.
Parallèlement, il existe des vendeurs ambulants de café Touba. En effet, n’ayant pas l’espace et le cadre idéal, ces derniers, équipés d’un fourneau, d’une bouteille Thermos, et de gobelets, proposent cette boisson chaude sucrée et épicée pour seulement 50 francs la tasse. Ces vendeurs ambulants, malgré la chaleur qui ne cesse de s’imposer, peuvent gagner plus de 4000 francs par jour, un montant non négligeable comparé aux salaires modestes de nombreux travailleurs.
Également servi traditionnellement lors des visites aux dignitaires religieux ou pendant les fêtes, ce café trouve ses origines dans une légende liée à Cheikh Ahmadou Bamba, fondateur du Mouridisme. Selon l’histoire, exilé au Gabon par les colons français, Cheikh Ahmadou Bamba aurait reçu une tasse de café empoisonnée. Protégé par un ange envoyé par Dieu, il la boit sans en être affecté, et en fait sa boisson favorite.
Une autre source explique également qu’à son retour d’exil, le Cheikh a apporté le café en cadeau à ses proches et disciples.
Pour certains, le café Touba est plus qu’une simple boisson. Il sert de rappel constant de la foi, de la dévotion. « Chaque fois que je bois du café Touba, je ressens une connexion avec Serigne Touba et les enseignements mourides », déclare Aissatou, une fidèle mouride qui achète sa dose quotidienne en face du cimetière de Saint Lazare.
Malgré cette appartenance attribuée à la communauté mouride, le Café Touba est désormais apprécié par tous. Malick Diop, vendeur de café au croisement Camberene, dans la commune de Dalifort-Foirail et originaire de Tivaoune, est l’exemple patent. Entouré de ces thermos , ce disciple Tijane, exerce le métier depuis 3 ans et gagne dignement sa vie. « Je suis Tijane et vendeur de Café Touba. Certes, cette activité est faite pour la plupart par des Mourides, mais il est important de rappeler que les clients n’ont plus cette exigence. Ils sont simplement préoccupés par l’hygiène et le goût », a-t-il précisé.
Aujourd’hui, en raison de son faible coût, de son goût et de sa méthode de préparation, le café Touba est en train de supplanter le café importé de l’occident (capsules, dosettes…). Déjà sucré et prêt à emporter pour seulement 50 ou 100 francs selon la quantité, il offre un avantage non négligeable. En outre, il est crédité de vertus spirituelles et médicinales notamment grâce au prières lors de la préparation et au poivre de Guinée, qui serait bénéfique pour les yeux.
L’Impact Économique du Café Touba au Sénégal
La fabrication et la distribution du café Touba sont devenues une importante source de revenus et de création d’emplois pour de nombreuses familles au Sénégal. Comme pour les vendeurs de café déjà filtré, la vente du café en poudre est également importante pour les commerçants. Vendu en sachets dans les magasins, cantines et boutiques de quartier, ce café local est accessible à un large public avec un prix variant entre 3.000 et 4.000 francs CFA le kilogramme. Moussa Niang, distributeur de café Touba en poudre , témoigne : « la plupart de nos clients sont des vendeurs de café Touba dans les rues. Ils viennent ici tous les jours pour acheter des sacs de poudre de café. D’autres achètent également pour revendre à l’étranger. Chaque jour, nous produisons en moyenne 100 à 200 kilos de café. Cela nous permet de réaliser un bénéfice quotidien de 60.000 à 80.000 francs CFA. L’entreprise prospère et mon souhait est d’investir davantage pour employer encore plus de jeunes au Sénégal ».
Désormais omniprésent, le café Touba demeure un symbole puissant de la culture sénégalaise, alliant tradition, spiritualité et économie locale. Sa popularité croissante ne fait que renforcer son rôle en tant que source majeure de revenus et d’emplois pour des milliers de familles à travers le pays. Que ce soit dans les cantines des quartiers ou par les vendeurs ambulants, le café Touba continue de séduire par son goût unique et ses vertus reconnues. Plus qu’une simple boisson, il incarne un héritage culturel et spirituel profondément enraciné dans le quotidien des Sénégalais.