Après l’installation des députés de la 15e législature, les nouveaux élus et le gouvernement sont attendus sur certains sujets brûlants, notamment la reddition des comptes. Alors que certaines mesures nécessitent l’abrogation de la loi d’amnistie, des membres du régime sortant s’érigent déjà en boucliers contre la révision de cette loi polémique.
Dans l’espace politique, le débat autour de l’abrogation de la loi d’amnistie devient de plus en plus animé. Des dizaines de jeunes Sénégalais ont perdu la vie depuis mars 2021, lors de manifestations violemment réprimées par le régime de Macky Sall. Des dégâts matériels inestimables, des exilés, des arrestations arbitraires et des disparus sont également à déplorer dans ces sombres pages de notre histoire politique. Une justice partiale, des droits humains bafoués, des libertés restreintes et une gabegie financière accrue ont tristement marqué le bilan de Macky Sall, qui pourtant avait promis, au lendemain de son élection en 2012, de bâtir un pays avec une justice équitable. Cette promesse politique n’a pas tenu. Une volonté de se maintenir au pouvoir et la défense d’intérêts personnels ont transformé celui qui était perçu comme une victime d’Abdoulaye Wade en bourreau d’un peuple entier.
En portant au pouvoir le duo Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye, les Sénégalais espéraient enfin retrouver une justice qui n’existait plus que de nom. La majorité écrasante accordée au pouvoir lors des récentes élections législatives confirme le choix des Sénégalais d’en finir avec ce qu’ils qualifiaient de “système”. Toutefois, des lobbies opposés à la reddition des comptes, soutenus par les dignitaires de l’ancien régime, sont activés. Leur objectif ? Enterrer ce passé douloureux sans établir les responsabilités. Alors que le Premier ministre Ousmane Sonko a réaffirmé à plusieurs reprises qu’il n’y aurait pas de vengeance mais que justice serait rendue, des décisions concrètes et fortes se font toujours attendre.
Pourquoi Macky Sall et son gouvernement, qui affirmaient avoir identifié les responsables de ces crimes et avaient dissous le parti Pastef, l’accusant de troubles à l’ordre public, refusent-ils désormais d’aborder la loi d’amnistie ?
Pourquoi l’ancien ministre de la Justice, Ismaïla Madior Fall, a-t-il voulu inclure dans cette fameuse loi la disparition des soldats Fulbert Sambou et Didier Badji ?
Ont-ils été exécutés sur ordre de quelqu’un ? Aïssata Tall Sall, qui suggère aux nouvelles autorités de ne se concentrer que sur l’avenir, cache-t-elle quelque chose ?
Quel doit être le sort des nervis armés et de leurs commanditaires, qui terrorisaient les jeunes pendant les manifestations ?
Ces jeunes, abattus à bout portant lors de ces tragiques événements, ne méritent-ils pas justice ?
Au-delà de ces pertes en vies humaines, des blessés, des exilés et des biens détruits, l’ancien chef de l’État et son entourage ont également plongé le pays dans une situation économique catastrophique : surendettement, falsification des chiffres de la dette, détournements de deniers publics, sans oublier le bradage des terres sénégalaises et l’exploitation abusive de certaines de nos ressources. Au nom de quoi ces crimes devraient-ils rester impunis ?
Aucune immunité ne doit primer sur la volonté du peuple sénégalais. Pour éviter que de telles dérives ne se répètent, la justice sénégalaise doit assumer ses responsabilités afin que chacun réponde de ses actes.
Le président Faye et son Premier ministre ont, eux aussi, rendez-vous avec l’histoire. Ils doivent choisir entre rendre justice aux Sénégalais ou trahir l’espoir de tout un peuple. Opter pour cette dernière voie rendrait vains des années de luttes et de sacrifices pour préserver un idéal politique, et reviendrait à cautionner officiellement l’impunité, avec tous les risques et périls que cela implique.
Ismaïla SECK – Journaliste/Chroniqueur