Le ministère de la communication a publié la liste des médias officiellement reconnus par l’État du Sénégal. Les structures de presse qui sont conformes à la législation peuvent ainsi exercer librement dans le respect des règles édictées par les autorités. Cette réforme symbolise quelque part une réorganisation de ce secteur à la fois sensible et vital.
La publication de la liste des médias reconnus conformes à la législation par le ministère de la communication et des télécommunications fait l’objet de plusieurs commentaires. Le nombre pléthorique d’organes de presse qui se sont enregistrés témoigne du désordre qui existe dans ce métier. Plus de 600 maisons de presse ont soumis leurs dossiers à l’autorité. Absence de contrats de travail pour les journalistes, inexistence d’un personnel qualifié ou de supports adéquats au médium déclaré font partie des manquements soulignés par les autorités. La presse qui est considérée comme le quatrième pouvoir était jusque-là dans une anarchie totale.
Situation précaire des journalistes !
Même si les journalistes sont considérés comme des gardes fous de la démocratie, nombreux d’entre eux subissent une injustice notoire au sein des rédactions. Certains travaillent sans sécurité sociale, sans salaire conforme à la convention collective ou même sont confrontés à des arriérés de salaires. Des employeurs profitent également de la détresse de ces soldats de l’information qui ne veulent pas rester sans emploi en les exploitant sans qu’aucun contrat ne les lie.
Des organes de contrôle défaillants
Si cette situation persiste depuis des années c’est parce que les organes de contrôle n’ont malheureusement pas fait leur travail. Rare sont ceux qui mettent la pression aux patrons de presse et aux autorités pour que le code de la presse soit strictement appliqué. Les patrons de presse ponctionnent le salaire de leurs employés sans leur reverser leurs droits au niveau des institutions de retraite ou de cotisations sociales. l’État qui doit jouer l’arbitre et protéger les journalistes n’a même pas pu collecter ses impôts pendant des années. Jusqu’à ces derniers temps, la presse devait plus de quarante milliards de francs CFA d’impôt à l’État. Le régime sortant était complice de cette situation. À quelques jours de l’élection présidentielle de 2024, l’ancien président de la république Macky Sall avait reçu les patrons de presse et leur avait promis une Amnistie fiscale. Une récompense de leur position pendant les moments sombres de notre démocratie ? Tout porte à croire que Macky Sall qui a vu son règne s’achever voulait remercier la presse d’avoir adopter une posture qui lui était favorable entre 2021 et 2024. Alors que le pays sombrait dans des contestations couronnées de violences j’aimais vu dans ce pays considéré comme la vitrine de la démocratie Ouest africaine, une bonne partie de la presse avait préféré détourner le regard de ce qui se passait en censurant les manifestations et une bonne partie des activités de l’opposition. Sur les plateaux, des chroniqueurs qui chargeaient certains leaders de l’opposition notamment Ousmane Sonko étaient invités à longueur de journée. Quelques organes de presse ont essayé de résister à ce diktat en gardant leur statut de sentinelle de la démocratie. Le groupe Walfadri qui s’est vu retirer son signal en a fait les frais.
Retour à l’orthodoxie après la régularisation ?
Être conforme à la législation est une bonne chose. Être responsable et respecter les principes et valeurs du métier en est aussi une autre. Certaines pratiques doivent être bannies dans cette corporation pour plus de sens et d’efficacité. Au Sénégal nombreux sont ceux qui ne suivent plus la presse classique parce que ne se sentant plus représentés ou ne trouvant pas intéressant les contenus proposés. Il devient dès lors urgent de remettre l’information au premier plan dans les organes de presse en accordant plus d’importance aux professionnels et en les mettant dans de meilleures conditions de travail.
Si l’ensemble des acteurs convergent dans la même direction pour un journalisme libre et indépendant, la presse retrouvera son lustre d’antan.