Le Sénégal a débuté l’année 2025 sous le signe du deuil et de l’indignation. En l’espace de quelques semaines, une série de meurtres glaçants a secoué le pays, rappelant à chacun la précarité grandissante de la sécurité et les failles béantes de notre tissu social. De Malika à Touba, passant par Pikine et même jusqu’au Maroc, ces actes de violence reflètent une montée inquiétante de l’insécurité, nourrie par des facteurs multiples tels que la drogue, les conflits familiaux et les violences urbaines et faillites des mesures de prévention.
Le premier meurtre de l’année 2025 jette une ombre tragique sur la nuit du Nouvel an. En effet, Souadou Sow, une fillette de 12 ans, a été brutalement arrachée à la vie par un homme d’une trentaine d’années, qui a reconnu son crime sous l’emprise de la drogue. Ce drame expose avec brutalité la dangerosité de la consommation des stupéfiants et l’absence de dispositifs de prise en charge des toxicomanes avant qu’ils ne basculent dans l’irréparable.
Quelques jours plus tard, à Touba, un différend domestique se transforme en tragédie.Yamou Ndiaye, mère de quatre enfants, succombe sous les coups de couteau de son beau-frère à la suite d’une altercation futile autour d’une pelle de ménage. En effet, ce meurtre révèle l’explosion de la violence au sein des familes, souvent minimisée qui se nourrit de rancoeurs et de jalousie.
A Pikine, la fureur des stades de Navétanes tourne au drame. Moustapha Dieng a été tué lors d’une dispute entre supporters des ASC Farba et Natangué. Loin d’être un cas isolé, cette tragédie reflète les violences inquiétantes liées aux compétitions locales, amplifiées par la rivalité des quartiers.
Cette fois-ci, l’onde de violence dépasse les frontières. Au Maroc, Ibrahima Solly plus connu sous le pseudonyme de Ibou Socé, a été assassiné dans son restaurant par un compatriote Sénégalais. Son meurtrier a profité de l’absence de son épouse pour exécuter son plan. Ce cas met également en lumière les tensions au sein de la diaspora sénégalaise, où des rivalités économiques peuvent se muer en actes irréversibles.
Quelques semaines plus tard, on enregistre un autre meurte, alors que les Sénégalais n’ont pas encore essuyé leurs larmes. En effet, Cheikh Bamba Ndiaye, un jeune pensionnaire de l’école de football Be Sport Academy, a été froidement tué d’un coup de gourdin en pleine rue après une altercation anodine et légère. Un crime causé par une simple parole mal interprétée et qui confirme la banalisation effrayante de la violence chez les jeunes dans la rue.
Enfin, à Mpal, Cheikh Wade, gérant d’un multiservice a été retrouvé égorgé après trois jours de disparition. Son assassinat illustre le climat d’insécurité grandissant dans les localités reculées, ou la criminalité prend une forme insidieuse.
Ces meurtres, aussi divers soient-ils, soulèvent une question fondamentale: pourquoi une telle recrudescence de la violence ?
Les causes sont complexes: la montée de la précarité et du chômage, l’absence de politiques sociales efficaces pour canaliser la détresse des jeunes. Tous ces aspects poussent certains vers la criminalité ou la drogue, comme en témoigne le drame de Souada Sow à Malika. La fragilisation du tissu familial longtemps garant de la stabilité sociale, les violences dans les stades et espaces publics et l’insuffisance de réponse pénale et psychiatrique constituent également un maillon faible dans la prévention des crimes.
Face à cette spirale de violence, il est impératif que l’Etat, la société civile, et les citoyens prennent leurs responsabilités. Les autorités doivent renforcer les dispositifs de prévention et de répression, mais aussi instaurer des programmes de réinsertion pour les jeunes en situation de détresse.
Les députés, eux, doivent s’emparer du sujet et proposer des réformes adaptées. La révision du cadre législatif sur la toxicomanie, le durcissement des peines pour les crimes violents et la mise en place de tribunaux spécialisés dans la gestion des violences est une urgence.
Quant aux guides religieux, ils peuvent jouer davantage un rôle clé dans la sensibilisation et la pacification. L’exemple de Touba démontre l’importance de cadres de médiation au sein des familles, pour éviter que des différends mineurs ne prennent une tournure dramatique.
La société toute entière doit se mobiliser. Il est urgent d’inclure un programme dédié à la non-violence dans les écoles, de promouvoir une culture du dialogue et de mettre en place des mécanismes de médiation dans les quartiers.
Les six victimes de ce début d’année nous rappellent fortement que le Sénégal est à un tournant complexe. Allons-nous laisser la peur et la violence dicter notre quotidien, ou allons nous prendre nos responsabilités pour reconstruire un vivre-ensemble apaisé qui répond à la “Téranga Sénégalaise”.